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prédication d'Anne-Marie Feillens, présidente du Conseil Régional en Sud-Ouest, le dimanche 30 juin 2024
Ephésiens 4, 1 à 7

1Je vous le demande donc avec insistance, moi qui suis prisonnier parce que je sers le Seigneur : vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel. 2Soyez toujours humbles, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. 3Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. 4Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même qu’il y a une seule espérance à laquelle Dieu vous a appelés. 5Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; 6il y a un seul Dieu, le Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous.

7Chacun de nous a reçu un don particulier, l’un de ceux que le Christ accorde de façon généreuse.

Parcours dans l’Ancien Testament, la première Alliance :

Parmi les récits bibliques, j’aime beaucoup ceux qui racontent les appels que Dieu adresse aux gens pour devenir prophète ou disciple. Il y a notamment les récits du premier testament qui nous racontent les épisodes au cours desquels Dieu s’adresse à des prophètes et leur demande un service ou plutôt d’être à son service.

Certains prophètes transmettent effectivement les messages, comme Dieu le leur demande. Mais pour d’autres prophètes, c’est plus compliqué.

Les auteurs des textes bibliques n’ont pas cherché à effacer ces épisodes. Ils auraient pu se dire que, décidément, on ne peut pas laisser la trace des refus et des réponses timorées. On ne peut pas garder la trace des situations où les prophètes embauchés par Dieu sont si peu respectueux de sa demande.

Dans ces récits on entend les prophètes appelés répondre non, en prétextant qu’ils sont trop jeunes, ou qu’ils ne savent pas parler. Il y en a même un qui ne répond pas du tout, mais qui s’enfuit aussi loin que possible. Comme s’il était possible de se cacher quelque part sur la terre sans que Dieu le trouve.

Pour leur défense, il faut dire que les missions confiées par Dieu à ces prophètes ne sont pas des missions faciles et qu’elles les bousculent fortement.

Je vous propose de faire un petit tour de ces appels !

Par exemple : Samuel. Lorsqu’il est encore enfant, Samuel est confié au temple pour le service du prêtre Héli. Samuel est appelé par Dieu mais il ne comprend pas d’où vient cette voix qui l’appelle. Il ne connait pas encore Dieu. Et quand il peut enfin se mettre à son écoute, il se retrouve dans la position très inconfortable de devoir dénoncer les mauvais agissements de la famille du prêtre. Samuel n’ose d’abord pas transmettre les paroles de condamnation de Dieu mais le prêtre a compris ce qui se passe et il oblige Samuel à lui dire la vérité. (1 Samuel 3)

Pour le prophète Jérémie, là encore il est question de jeunesse. A l’appel de Dieu, ce prophète répond : « Hélas ! Seigneur Dieu, je suis trop jeune pour parler en public. » Mais le Seigneur réplique en lui disant : « Ne dis pas que tu es trop jeune ; tu devras aller voir tous ceux à qui je t’enverrai, et leur dire tout ce que je t’ordonnerai. N’aie pas peur d’eux, car je suis avec toi pour te délivrer. (…) Tu auras à déraciner et à renverser, à détruire et à démolir, mais aussi à reconstruire et à replanter. » (Jr 1, 5 à 10). Pas facile d’annoncer tout cela !

Le prophète Osée, lui, ne cherche pas à se défiler mais cet appel de Dieu va avoir des répercussions douloureuses sur sa vie personnelle. Sa vie devient un miroir du conflit entre Dieu et son peuple. Dieu lui impose d’épouser une prostituée sacrée pour symboliser la relation infidèle du peuple qui s’est tourné vers les cultes païens. Les 3 enfants du couple reçoivent des noms rappelant les tensions avec Dieu. Le prophète aura beaucoup de mal à faire comprendre au peuple que Dieu cherche à les sauver en les détournant de leur corruption, de leur violence et de la pratique de leur injustice.

Et puis, voyons maintenant celui que vous connaissez tous, c’est bien sûr le prophète Jonas. Il est bien connu des lecteurs de la bible, grâce à son histoire de baleine. Vous le savez, Dieu l’appelle pour qu’il aille menacer les habitants de Ninive à cause de leur méchanceté. Or Jonas s’enfuit le plus loin possible en embarquant sur un navire. Jeté à la mer par les marins qui voient en lui la cause de leurs malheurs, Jonas se retrouve dans le ventre d’un gros poisson qui finit par le recracher sur la terre ferme.

Quand Jonas a enfin fait le travail que Dieu lui a demandé, Jonas se met en colère et reproche à Dieu d’avoir renoncé au châtiment qu’il avait annoncé. Jonas reproche à Dieu d’être bon, d’avoir pitié !

Ah, décidément, être prophète n’est pas de tout repos !

Parcours dans le Nouveau Testament, seconde Alliance

Voyons maintenant comment ça se passe dans la seconde partie de la bible, la seconde Alliance. Il n’est plus question de prophète mais de disciples et d’apôtres. Ce sont toutes les personnes qui suivent Jésus ou qui sont appelées par lui.

Il y a bien sûr les disciples eux-mêmes. Chacun d’entre eux répond à l’appel et laisse tout ce qu’ils sont en train de faire pour suivre immédiatement Jésus sur les routes de la Galilée et de la Judée. La réponse est donc positive. Ce qui peut surprendre, ce que l’on découvre au fil de la lecture des textes bibliques ce sont des personnalités qui sont loin d’être parfaites, … et c’est très rassurant ! Les disciples n’ont rien de héros ni de personnalités d’exception. Au moment le plus tragique, leurs failles vont apparaitre. Judas va trahir Jésus, Pierre va le renier, Thomas aura de gros doute quant à la présence du ressuscité.

Le récit biblique ne cherche pas à cacher ces failles, parce que l’important n’est pas d’être parfait, l’important c’est d’entendre l’appel du Christ et d’y répondre, même maladroitement. Il est heureux que les textes bibliques donnent toute la mesure à la vraie humanité des personnages. Sinon, par la suite, il aurait été impossible de constituer des communautés chrétiennes.

Les auteurs bibliques mettent ces épisodes douloureux sur le compte de la volonté de Dieu. Par la trahison de Judas, par le reniement de Pierre, l’arrestation de Jésus se réalise jusqu’à la mort sur la croix. C’était écrit. Jésus l’avait annoncé, même si les disciples n’ont pas voulu entendre.

Après les 4 évangiles, c’est au tour du livre des Actes de mentionner le groupe des disciples. Ce groupe est incomplet depuis le suicide de l’un des leurs. Ils vont donc procéder à une élection pour retrouver un groupe de 12 individus. Parmi deux candidats pressentis, c’est Matthias qui est élu.

Avec la nouvelle Alliance, les textes bibliques présentent l’histoire du salut de manière différente. Ce n’est plus un cycle d’intervention des prophètes plus ou moins enthousiastes pour porter la parole de Dieu au peuple.

Avec la nouvelle Alliance, l’histoire s’oriente vers la mission des disciples : c’est maintenant un groupe qui porte cette mission, et pas seulement une seule personne. La communauté chrétienne devient elle-même le cœur de cette mission. L’Ensemble du livre des Actes raconte les débuts du christianisme. Après avoir reçu l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte, Pierre et ses compagnons annoncent la Bonne Nouvelle de la résurrection de Jésus. Malgré l’hostilité des autorités religieuses à leur égard, des croyants de plus en plus nombreux se joignent à leur vie de prière et de partage.
L’apôtre Paul devient à son tour missionnaire après avoir été persécuteur. C’est donc que l’appel de Dieu s’adresse même aux adversaires et la conversion devient un témoignage.

Dans bien des lettres qu’il écrit aux communautés locales, Paul enseigne les chrétiens à vivre pleinement leurs convictions.

C’est ce qu’il enseigne dans cette lettre adressée aux Ephésiens et dont je vous ai lu un extrait. Après les prophètes de l’Ancien Testament, ce sont à leur tour les chrétiens qui sont appelés, chacun personnellement, mais aussi et surtout communautairement.

Il n’y a plus de médiation, par les prophètes. Chaque membre de la communauté chrétienne entend la Parole qui lui est adressée et en même temps il devient témoin de cette parole en accordant sa vie à cette Parole. Ajuster, faire concorder l’appel reçu à une vie personnelle qui reflète cet appel.

Cette mission n’est pas plus simple que celle des prophètes de l’Ancienne Alliance. Eux devaient porter une parole qui pique, qui secoue, une parole clivante qui dénonce des comportements intolérables. Tandis que les chrétiens sont appelés à devenir des démonstrations vivantes. Humilité, douceur, patience, … unité et relations paisibles, …. autant d’injonctions pas si facile à vivre tellement le naturel revient vite.

Pourtant c’est bien de cela dont nous avons besoin plus que tout. Dans cette période où les tensions sont vives dans la société, il me semble que notre rôle de chrétien c’est de tenir bon, sans tomber dans l’agression due à la peur. Tenir bon contre tout ce qui nous éloigne de l’espérance qui nous est donnée en Christ. Ce qui nous est donné, c’est la grâce de Dieu. Une grâce qui valorise notre vie aux yeux de Dieu, tout comme elle donne du prix à toute vie.

Ne laissons pas cette grâce disparaitre dans la peur que ce monde véhicule et qu’il est si facile d’attiser.

Comme pour le prophète Jonas, la Parole de Dieu nous rattrape, même lorsque nous nous éloignons parce que la mission semble impossible ou désagréable. Dieu a besoin de chacune et chacun de nous pour faire vivre sa parole de grâce. Il a besoin de nous, tels que nous sommes. Il n’attend ni héros ni individus parfaits. Il nous appelle, nous.

Il embauche pour son royaume qui offre la grâce sans condition. Un accueil inconditionnel à contrecourant de toutes les haines et autres rejets véhiculés dans le monde.

Et vous, avez-vous entendu son appel ?

Amen

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