au loup

prédication de Catherine Golfier, sur "Je suis le bon berger"
loup

@pixabay

21 avril 2024 Bordeaux Rive-droite

Au loup ! Le loup est de retour ! On l’a aperçu dans nos montagnes. Il s’attaque aux troupeaux. Des brebis sont égorgées pendant la nuit. Que fait le berger ? Qui va protéger les brebis sans défense ?

Pas besoin de longues explications pour comprendre la situation à laquelle Jésus fait référence et qui était courante à son époque. Quel village palestinien n’avait-il pas le souvenir de ces attaques de loup du désert contre les troupeaux ? De ces fuites au pas de course des bergers désemparés ? Des dilemmes qui se posaient à eux : tenir tête et risquer de se faire dévorer par le loup pour un salaire de misère ou sauver sa peau et laisser le troupeau sans défense à la merci de la bête ?
Pour les juifs qui écoutaient Jésus, l’évocation du troupeau résonnait aussi à un autre niveau. Elle était l’image du peuple lui-même, gardé par ces bergers qu’étaient les responsables politiques et religieux. Combien de prophètes n’avaient-ils pas fustigé ces mauvais bergers qui égaraient ou abandonnaient le peuple ?
Aussi quand Jésus proclame « je suis le bon berger, le bon berger est prêt à donner sa vie pour ses brebis » est-il immédiatement écouté, avec espoir pour les uns et méfiance pour ceux qui reconnaissent leur image dans ces bergers démotivés et peu consciencieux.

Mais, nous, comment vivons-nous le fait d’être comparés à des moutons ?
Depuis l’école primaire, notre esprit est habité par l’image d’un agneau qui se désaltère dans le courant d’une onde pure. Il avait l’innocence de l’enfant qui tète encore sa mère, et n’avait aucune raison de subir l’arrogance du loup que la faim avait attiré en ces lieux. La morale de l’histoire est désolante. Pourtant combien d’enfants n’ont-ils pas été contraints d’apprendre par cœur cette histoire lamentable au risque de voir leur inconscient déformé à tout jamais par l’affirmation selon laquelle la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Cette fable cynique dénonce la logique impitoyable de la loi de la jungle, elle est comme une plainte contre la sauvagerie des relations humaines où c’est toujours le plus féroce, le plus riche, le plus fort qui gagne. Encore faudrait-il souligner cette dénonciation quand on l’enseigne aux écoliers et leur poser la vraie question : que faudrait-il faire pour que cela change ? Que faudrait-il faire pour promouvoir le droit du plus faible et le respect inconditionnel de toute vie ?
Au lieu de cela, mémorisée par tant de têtes blondes et brunes, cette cruelle parabole n’a-t-elle pas contribué à conforter les plus forts dans leur bon droit, sans parler de l’effet néfaste qu’elle a pu avoir sur les plus vulnérables, victimes toutes désignées pour subir violence et humiliation ?
En dépit de cette histoire, si les agneaux contribuent encore à attendrir les humains, c’est qu’ils sont mignons, on les voit apparaître dans les crèches de Noël, on vante la force et la douceur du fromage au lait de brebis.
Mais il faut bien avouer que si nous aimons être comparés à des brebis ou des agneaux, il nous est insupportable d’être traités de moutons, des moutons bêlants incapables d’articuler une phrase cohérente ; cela nous révolte d’être assimilés à des bêtes vivant en troupeau et acceptant de « faire masse », à cause de nos instincts grégaires. Rabelais raconte que les moutons de Panurge se sont précipités du haut de la falaise en suivant le premier de la cohorte. Comme Rabelais, Monsieur de La Fontaine considérait les moutons et autres espèces d’herbivores comme des animaux stupides, et cette idée reste profondément ancrée dans l’opinion.

Jésus aurait sans doute trouvé beaucoup de saveur dans ces histoires, parce que lui aussi s’est intéressé au sort des brebis, perdues dans le désert ou menacées par les voleurs ou les loups.

Et si, aujourd’hui, le loup descendait des montagnes ? Qui nous protégerait ? Quel homme serait capable de s’interposer face au loup ?
Mais ce loup n’est-il pas aussi dans nos villes et villages, dans nos maisons et dans nos têtes ? Quels sont ces dangers qui nous guettent, nous le troupeau humain ? Vous les connaissez aussi bien que moi.
Peut-être peut on en citer trois.
Le premier c’est le manque de repères : ceux qui vivent sans direction ni projets sont comme des brebis qui vont dans tous les sens et risquent de s’égarer, de s’isoler. Surviennent alors la peur et l’angoisse du lendemain avec le risque de faire n’importe quoi.
Le deuxième danger, ce sont les mauvais bergers, aurait dit Jésus : les leaders de toute sorte qui imposent leurs idées et conduisent les peuples dans des impasses, les responsables qui, aussitôt nommés, oublient leurs promesses , ceux qui cherchent avant tout le pouvoir et même les leaders religieux qui encouragent leurs ouailles à des actes violents. Plus largement, tous ceux qui captent notre attention, notre argent ou nos idées à des fins personnelles. Ils sont mauvais quand ils aliènent chez les gens leur capacité à réfléchir et à faire des choix, lorsqu’ils étouffent la confiance et l’espérance.
Enfin le troisième danger, ce sont les mauvais penchants de la nature humaine, ceux que nous évoquons chacun dans les prières de repentance : repli sur soi, découragement, égoïsme, méfiance envers les autres, indifférence envers son prochain, goût de l’argent…. etc.

Qui nous protégera contre ces dangers, contre ces loups qui s’attaquent aux brebis que nous sommes ? Comment lutter seul ? Y a-t-il quelque part un berger capable de nous défendre et de nous guider ?
« Je suis le bon berger. Le bon berger est prêt à donner sa vie pour ses brebis »
Vous entendez ces mots ? Il existe quelqu’un qui nous aime assez pour donner sa vie pour nous : c’est Jésus ! Il s’offre comme berger , gratuitement. Il n’est pas payé comme le berger des villages palestiniens. Il offre sa vie simplement parce qu’il nous aime. Par amour, il s’interpose entre le loup et nous. Il fait face aux dangers, il les combat à notre place, il ne s’enfuit pas. Avec Jésus, la vie a un sens, le troupeau sait là où il va. Sa voix a plus d’autorité, plus de vérité, plus d’humanité que celle des mauvais bergers.Il va braver les dangers et perdre sa vie parce qu’il nous aime.
Vous vous rendez compte ! Mourir pour un ami, qui est prêt à le faire ? Jésus est cet homme là : il donne sa vie pour que nous soyons sauvés.

Mais Jésus précise : « le berger appelle ses propres moutons par leur nom et les mène dehors. Lorsqu’il les a fait tous sortir ( et le terme employé est beaucoup plus énergique et violent, on pourrait dire expulser), il marche devant eux. »
Voilà qui est déroutant pour nos esprits, Quand nous parlons à la place de la parabole, nous donnons une toute autre fonction au Berger : rassembler le troupeau, le réunir. Or, ici, il les pousse dehors et ce n’est pas une petite promenade hygiénique pour faire prendre l’air aux agnelets. Il va emmener son peuple en dehors d’Israël, en dehors des anciennes structures , vers le monde extérieur , hors de l’institution religieuse. Nous pensions que le Berger devait à tout prix garder ses brebis bien au chaud , à l’abri, dans une petite bergerie sans problème ! Mais la parabole affirme le contraire : la vie des brebis ne commence que si elles sortent vers le monde. Le Berger travaillera toujours à nous pousser hors de nos sécurités de tous ordres, pour nous conduire sur le chemin des autres, vers l’évangile de la liberté. L’Église est appel et départ, convocation nominale et exode. Le Berger appelle (vocation et convocation) et il nous pousse dehors (exode et mission).

Mais ce nous exprime mal l’extraordinaire amour de Jésus.
Jésus n’aime pas le troupeau comme un collectif indifférencié, il aime ses brebis, c’est-à-dire chacune d’elles en particulier. Il n’est pas le berger d’un troupeau mais celui de chaque brebis. Et comme dans la parabole, il pourra laisser le troupeau pour aller chercher celle qui s’est égarée.

Aujourd’hui comme il y a 2000 ans, Jésus est vivant et combat pour nous, pour toi, pour moi.
Aujourd’hui comme il y a 2000 ans, il nous pousse dehors, hors de nos routines, sur de nouveaux chemins, à la découverte des autres nos prochains et lointains.
Aujourd’hui comme il y a 2000 ans, il va mourir pour nous.
Aujourd’hui comme il y a 2000 ans, Dieu le relèvera d’entre les morts.
Il nous dit ;  «  Je t’aime au point de donner ma vie pour toi, fais-en ce que tu veux ! » Il nous laisse disposer de sa vie à notre guise avec le risque que nous la gaspillions, avec le risque qu’il soit mort pour rien. Quelle folie et en même temps quelle confiance !

Et si un jour, nous n’arrivons plus à avancer, soyons certains que ce Berger-là nous prendra sur ses épaules et nous accompagnera quoiqu’il advienne.
Oui, le bonheur et la grâce nous accompagneront tous les jours de notre vie. C’est entre ses mains paternelles que nous nous confions aujourd’hui et demain encore.
Amen.

Contact