Foi et engagement

Prédication du 2 octobre 2022 de la pasteure Corinne Gendreau au Temple de Mérignac

Lectures bibliques

C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer la flamme du don de la grâce, du don de Dieu, que tu as reçu par l’imposition de mes mains. En effet, ce n’est pas un esprit de lâcheté que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération.
N’aie donc pas honte du témoignage de notre Seigneur, ni de moi, son prisonnier. Mais souffre avec moi pour la bonne nouvelle, par la puissance de Dieu,qui nous a sauvés et nous a adressé un saint appel, non pas selon nos œuvres, mais selon son propre projet, selon la grâce qui nous a été accordée en Jésus-Christ avant les temps éternels — cette grâce qui s’est maintenant manifestée par la manifestation de notre Sauveur, Jésus-Christ, qui a réduit à rien la mort et mis en lumière la vie et l’impérissable par la bonne nouvelle.
C’est pour cette bonne nouvelle que, moi, j’ai été institué héraut, apôtre et maître.
C’est aussi pour cette cause que j’endure ces souffrances ; mais je n’en ai pas honte, car je sais bien en qui j’ai placé ma foi, et je suis persuadé que celui-là a le pouvoir de garder ce qui m’a été confié jusqu’à ce jour-là.
Retiens, dans la foi et dans l’amour qui est en Jésus-Christ, le modèle des saines paroles que tu as entendues de moi. Garde toutes les belles choses qui t’ont été confiées au moyen de l’Esprit saint qui habite en nous.

2 Timothée 1.6-14

Les apôtres dirent au Seigneur : Donne-nous plus de foi.
Le Seigneur répondit : Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce mûrier : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous obéirait.
Qui de vous, s’il a un esclave qui laboure ou fait paître les troupeaux, lui dira, quand il rentre des champs : « Viens tout de suite te mettre à table ! »
Ne lui dira-t-il pas au contraire : « Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi aussi, tu pourras manger et boire. »
Saura-t-il gré à cet esclave d’avoir fait ce qui lui était ordonné ?
De même, vous aussi, quand vous aurez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : « Nous sommes des esclaves inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. »

Luc 17.5-10

Un champs de Tulipes avec des ouvriers
Des serviteurs qui ont confiance dans
leur entreprise @pixabay

Prédication sur Luc 17 : 5 -10

Ce court texte de Luc commence par une demande de « plus de foi » des apôtres.

Est-ce que la foi se pèse, ou se mesure ? Si oui comment ?

Les apôtres sont ceux qui se chargent de proclamer la bonne nouvelle de Jésus Christ. Nous ne savons pas pourquoi ces apôtres demandent plus de foi : peut-être ne se sentent-ils pas prêts pour leur apostolat, à savoir faire connaître la bonne nouvelle de Jésus Christ, peut-être doutent-ils de l’efficacité de leur mission ; ils souhaiteraient probablement devenir plus persuasifs et plus performants.

Pour Jésus, cette demande montre que les apôtres n’ont pas compris que Dieu, par le don de la grâce, leur a donné un Esprit de force (cf texte de Timothée).

A cette demande de plus de foi, Jésus pourrait rappeler ces paroles de Dieu : « ma grâce te suffit ».

Mais Jésus répond avec une parabole, appelée « du serviteur inutile », ou de « l’esclave qui ne fait que son devoir ». Jésus va essayer d’expliquer aux apôtres, ce qui vaut pour nous aujourd’hui, que le service ne dépend pas de la quantité de foi.  Le serviteur peut, doit se contenter de ce qu’il a et de ce qu’il est pour servir, à une nuance près, son état d’esprit pour vivre son apostolat.

Premier tableau : Un esclave qui rentre des champs et doit naturellement servir à dîner à son maître, sans état d’âme et sans attente de reconnaissance. La condition d’esclave oblige à servir sans relâche et à passer après le maître. L’esclave est esclave et le maître est maître, les rôles ne sont pas interchangeables, même si on aimerait que le maître pense à la fatigue ou la faim de son employé. Non, le maître se fait servir, et l’esclave sert par habitude, pour sauver sa vie, et surtout parce c’est le rôle qui lui a été assigné. Ceci nous scandalise aujourd’hui, nous qui sommes habitués au code du travail et qui apprécions les manifestations de reconnaissance quand nous faisons quelque chose pour les autres. Un petit sourire, un merci sont des signes de reconnaissance qui font tant de bien, qui améliorent la qualité du service car le servant se sent conforté dans ses actions.

Quant à savoir si nous sommes esclave de notre travail, de notre patron, chacun répondra en son âme et conscience…

Un serviteur inutile ?

Aujourd’hui, beaucoup de salariés se sentent inutiles. Ils vont jusqu’à interroger la pertinence de leur travail, son sens profond.  Est-ce utile de faire ceci ou cela ? Le travail choisi devient de plus en plus un reflet du référentiel éthique que l’on pose comme valable, pertinent.

Mais dans l’antiquité, peu ont le choix ; beaucoup naissent esclaves et subissent cet état pour survivre. Il faudra d’ailleurs attendre l’empereur Constantin au IVe siècle, le premier empereur chrétien, pour que les valeurs évangéliques d’amour fraternel et de justice améliorent les règles sociales et juridiques. Et il faudra attendre le XIXe siècle en occident pour que l’esclavage soit aboli… Et il persiste encore dans bien des régions du monde, plus ou moins déguisé. Vous entendez sûrement parler de la polémique autour des conditions de travail au Qatar en parallèle de la coupe du monde de foot à venir.

Jésus, ne défend pas dans notre texte la condition des esclaves ; au contraire il utilise cette image de l’esclave (δοῦλος), traduit aussi par « serviteur ». La figure de l’esclave ou serviteur est choisie pour expliquer aux apôtres comment servir : dans un dévouement total. Ils sont appelés à être des esclaves « qui ont fait tout ce qui leur a été ordonné ».

Paul, utilise cette image de l’esclave pour lui-même : dans les adresses de ses épîtres, vous savez au début de ses lettres qu’il envoie aux différentes communautés, il écrit indifféremment « Paul apôtre de Jésus Christ par la volonté de Dieu » ou « Paul, esclave de Jésus Christ ». Paul se voit comme un esclave totalement au service de Jésus Christ, un serviteur plus que dévoué, un serviteur qui donne sa vie.

Que les apôtres soient considérés comme des esclaves n’a rien d’extraordinaire ; il s’agit d’évoquer leur engagement total dans leur mission au service de Dieu. L’engagement est gratuit, on ne peut en tirer aucune glorification ni attendre quelque reconnaissance ; le service pour le Christ est service total, un engagement à fond.

La fin de la parabole est difficile à entendre ; en effet Jésus dit : « Quand vous aurez fait tout ce qui vous a été ordonné (sous-entendu par Dieu), dites que vous êtes des serviteurs inutiles ».

Avons-nous envie de dire que nous sommes des serviteurs inutiles de Dieu ? Bien sûr, non, ce que nous faisons pour Dieu, pour l’annonce de sa parole ou pour l’Église, nous pensons que c’est utile, sinon nous ne le ferions pas ; question du sens de l’action entreprise. Il nous arrive de manquer de discernement et il nous arrive de nous tromper : nos actions sont alors probablement à considérer comme des actions inutiles.

Mais, en regardant bien le texte, nous pouvons remarquer que ce ne sont pas les actions qui sont qualifiées d’inutiles mais la personne qui les fait, c’est le serviteur qui est inutile. Inutile c’est acréios en grec (mot utilisé seulement 2 fois dans le Nouveau Testament). Ce mot se traduit par inutile ou bon à rien, il s’utilise aussi pour qualifier une partie d’armée impropre, c’est à dire incapable de combattre.

Avons-nous envie d’entendre que nous sommes bons à rien ? Probablement pas…

Je ne crois pas que l’objectif de Jésus est de rabaisser ses apôtres, mais il essaie par cette parabole de leur faire comprendre que se mettre au service de Dieu est possible pour quiconque, donc pour tous.

Jésus nous invite à se mettre au service de Dieu, à lui obéir même quand on a l’impression de ne pas avoir assez de foi, quand on pense qu’on ne croit pas assez, ou quand on pense qu’on n’est pas assez protestant ou pas assez compétent.

La parabole opère le renversement suivant : aux apôtres qui demandent plus de foi pour les fortifier, un peu comme on pourrait prendre des vitamines pour être plus performants, Jésus rappelle que leur service de Dieu, ils doivent le faire avec ce qu’ils ont, comme ils sont. Comme la grâce de Dieu leur a été donnée préalablement, ils ne doivent pas se préoccuper de mesurer leur foi ; leur « croire », aussi petit que la plus petite des graines, minuscule comme une graine de moutarde permet de faire des choses aussi incroyables que transplanter un mûrier qui se traduit aussi sycomore au milieu de la mer, action aussi inutile qu’improbable car le sycomore est réputé pour être un arbre indéracinable. Ce qui est remarquable avec cette image du sycomore, c’est de comprendre que la foi rend possible des actions que l’on pensait impossibles. La foi c’est la confiance que Dieu nous donne, c’est l’utile pour nos vies : l’amour, l’espérance, la paix, le pardon, et maintenant la force.

Cet appel à servir, quel que soit son état intérieur (plus ou moins confiant en Dieu et confiant en soi) et quel que soit son état physique (fatigué ou affamé) est assez radical.

Dieu ne nous aime pas parce que nous le servons parfaitement. Il nous a aimé avant que nous le servions, par pure grâce dit-on, et il nous aime tels que nous sommes.

Ces esclaves de la parabole qui labourent les champs, c’est nous qui aujourd’hui essayons de faire advenir le Royaume dans le monde. Comme le souligne Timothée, le projet du Dieu Sauveur est que ceux qui ont reçu la grâce annoncent Jésus Christ comme Sauveur, lui qui met en lumière la vie et l’impérissable de la bonne nouvelle.

Nous sommes appelés, avec notre foi, telle qu’elle est, à devenir d’humbles travailleurs au service de l’annonce de la bonne nouvelle de Jésus Christ, pour plus de justice et d’amour fraternel entre les humains.

Amen.

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