J’ai soif

Lecture de la cinquième des sept paroles de vie d’après le texte du pasteur Antoine Nouis

Bonsoir, je m’appelle Nérée, et je suis Samaritaine. Si je suis venue à Jérusalem, ce n’est certainement pas pour assister à une crucifixion, mais pour écouter Jésus que j’ai rencontré un jour au bord d’un puits.

Je me souviens parfaitement de cette journée, à Sychar, en Samarie. À cette époque, j’étais perdue. J’en étais à mon cinquième mari, et je ne savais plus ce qui était vrai et faux, je ne faisais plus la différence entre le bien et le mal, le droit et le tordu.

Ce jour-là, il y avait un soleil de plomb et, à midi j’étais sortie chercher de l’eau au puits de Jacob. Il était là, assis sur la margelle. Il avait soif et m’a demandé de l’eau. J’étais étonné qu’il ose m’adresser la parole, car il était Juif et moi Samaritaine.

Nous avons engagé la conversation et il m’a parlé d’une eau vive, d’une eau qui étanche notre soif en vérité… toutes les soifs, même les plus profondes. J’ai vite compris qu’il ne parlait pas seulement de l’eau du puits, mais d’une autre source plus intime.

Lecture par le pasteur Eric de Bonnechose, Église Protestante Unie de Bordeaux, Aumônier des Fondations Bagatelle

Voyant qu’il n’avait pas peur de me parler, je l’ai interrogé sur la différence entre les Juifs et les Samaritains. On m’avait expliqué que nous, les Samaritains, nous devons adorer Dieu dans le sanctuaire du mont Garizim, alors que les Juifs le font dans le Temple de Jérusalem. Il m’a répondu que ces différences n’ont pas beaucoup d’importance car Dieu est Esprit. Il vient habiter le cœur de ceux qui ont soif.

J’ai été bouleversée par ce Jésus qui faisait sauter les barrières entre les Juifs et les Samaritains, les hommes et les femmes, les maîtres et les esclaves. Pour lui, la seule vraie question qui mérite d’être  posée est : Quelle est ta soif ? Quelle est ta source ?

Lorsque j’ai appris qu’il allait à Jérusalem, j’ai décidé de l’y rejoindre mais je suis arrivée trop tard. Il avait déjà été arrêté, et même condamné.

Je me suis renseignée pour connaître les motifs de son arrestation, on m’a répondu qu’ils sont plutôt flous. On porte sur lui l’accusation absurde de vouloir détruire le Temple… Il paraît qu’il y a quelques jours, il a fait un joli scandale en renversant les tables des changeurs du Temple et en chassant les vendeurs.

Pour moi, ce qui est clair, c’est que le Nazaréen est allé jusqu’au bout de sa parole. Ce n’est pas dans le Temple qu’il faut adorer Dieu… Il a abattu les barrières de religion, pour qu’on puisse l’adorer… en  vérité. À cause de cette Parole, aujourd’hui, il meurt sur une croix.

Je suis en face de cet homme qui est torturé pour être allé jusqu’au bout de sa vérité. Je le regarde, et je me souviens qu’il est le premier à avoir posé sur moi un vrai regard d’amour, sans convoitise ni arrière pensée.

J’ai soudain l’impression qu’il m’a remarquée dans la foule qui est à ses pieds… mais il est exténué. En me regardant il murmure un simple mot : J’ai soif.

Il y a là une cruche remplie de vin aigre. Je prends une éponge, je l’imbibe, je la donne à un soldat qui la pique au bout d’une branche et lui donne à boire. Mon geste est dérisoire car il va mourir… mais pour moi il est le signe de tout ce qu’il m’a donné.

La première fois qu’il m’a demandé à boire, au puits de Jacob, ça a été l’occasion d’un recommencement dans ma vie. Aujourd’hui encore il a soif, à cause de la cruauté des hommes, et des barrières imbéciles que les religieux ont élevées entre Dieu et ses enfants. Cette soif-là, c’est aussi la mienne.

Avec toi, il en est ainsi

Avec toi Jésus,
Dieu… passe chez les hommes

Avec toi Jésus,
les yeux éteints… passent à la lumière,
les bouches closes… passent à la chanson,
les pauvres… passent au salon,
les malades… passent à la guérison,
les difformes… passent à la beauté,
les exclus… passent à l’amitié,
les haineux… passent à la douceur,
les clochards… passent à table,
les peureux… passent au courage,
les serviteurs… passent aux premières loges,
les grands… passent derrière,
les petits… passent à la grandeur !

Avec toi Jésus
le pécheur… passe au pardon,
l’homme… passe chez Dieu,
et la mort… passe à la vie.

Source : Charles Singer et Alexandre Hollan

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